Malpertuis est un travail réalisé à partir du roman homonyme de Jean Ray.
Pourquoi Malpertuis ?
Le projet est né en octobre 2008. A chaque fois que je lisais le roman de Jean Ray, il me plaisait davantage. Les ambiances très caractéristiques me paraissaient à chaque fois plus évocatrices. Les rues sombres et anciennes de Gand, les façades des séculaires maisons de maître, le climat pluvieux et venteux et cette ambiance de vieux port… tout cela m’a semblé… familier. Comme si je revenais dans un lieu connu, un endroit que j’avais déjà arpenté. Ajouté à cela le climat angoissant du livre, il m’a paru naturel d’évoquer tout cela avec des sons.
Les sons dans Malpertuis
Jean Ray, pour orienter l’imagination du lecteur vers des ambiances précises, donne des indications détaillées sur les sons.
Ainsi, par exemple :
« C’était un bruit énorme et mou, celui d’une voile décarguée battant au vent.
Et, tout en haut de l’escalier en vrille, une étoile s’évanouit. Alors, immobile, incapable de rompre un charme cruel qui me tenait rivé au sol, le dos à la muraille, j’assistai à la lente mort des lampes.
Elles furent soufflées une à une, et à chaque éclipse le bruit se répéta, féroce et lourd. »
(chapitre huit, Celui qui éteignait les lampes).
ou bien encore :
« – Attendez, murmura-t-il. N’entendez-vous rien ?
(…)
Oui, j’entendais en effet…
C’était un bruit mince et aigu, vrillant le tympan, comme celui d’une lime minuscule maniée avec frénésie.
Par moments, il se coupait de courtes haltes pendant lesquelles on entendait un pépiement d’oiseaux en colère.
– Mon Dieu ! sanglotait Lampernisse. On le délivre !«
(chapitre trois, le cantique des cantiques)
De cette façon, avec une description aussi précise, une image mentale apparaît naturellement et donne des pistes à suivre pour l’expression sonore que je recherchais.
Raconter une histoire avec des sons
La structure du récit est déterminée par l’alternance de scènes parfois très violentes (chapitre six, le cauchemar de la Noël ou le chapitre onze, les Ides de Mars) et de moments de calme voire d’une certaine sérénité (chapitre quatre, La maison du quai de la Balise ou le chapitre sept, L’appel de Malpertuis). J’ai suivi cette logique dramatique pour ménager des moments de « respiration » entre des ambiances plus angoissantes.
Je me suis demandé s’il valait mieux développer l’album dans le même ordre que les chapitres du livre où modifier la structure du récit pour tenir compte des particularités d’une mise en scène sonore. Le résultat est un compromis.
Par exemple, pour le début de l’album, je raconte le chapitre de la capture. Dans une version littéraire, il est logique de maintenir le suspense quant à la nature des personnages qui n’est dévoilée qu’en deuxième partie du livre dans un chapitre remarquable. C’est un parfait exemple de flash-back qui fait comprendre après-coup toute l’ampleur de l’histoire. Dans une version sonore, par contre, il me semblait utile d’immerger, et c’est bien cas de le dire, l’auditeur dans une ambiance angoissante qui devait exprimer toute la violence du moment. A moins de connaître l’histoire au départ, les sons utilisés ne donnent que des évocations de ce qui se passe sur cette mystérieuse île.
Dans le livre, dans les premiers chapitres où l’on présente la maison Malpertuis et l’oncle Cassave, entre autres, Jean Ray évoque l’agonie de Cassave qui, par testament, oblige les personnages à vivre dans la maison jusqu’au dernier survivant… qui héritera de tout. Dans l’album, je respecte partiellement la chronologie mais, pour le titre Cassave, je mentionne sa fin que brièvement… le morceau évoquant plutôt son parcours littéralement de l’île (décor de La Capture) vers Malpertuis et, symboliquement, de toute sa vie.
De même, et comme autre exemple, les couleurs de Lampernisse est un morceau qui présente une ambiance de Malpertuis (présentée en début de livre) mais qui, dans sa structure, fait allusion à la nature et à la fin du personnage de Lampernisse (informations dévoilées en fin de livre).
Même idée également pour Doucedame où, dans le morceau qui leur est consacré, je fais référence à la fois aux deux générations des Doucedame évoquées dans le livre, à leur penchant pour la recherche de connaissances qu’il vaudrait mieux ne pas approcher et, finalement, sur leur nature et leur fin qui en découle.
Ainsi, tous les morceaux traversent le livre de part en part et donnent une multitude d’indices sonores sur des moments précis de l’histoire, sur la nature des personnages ou le cours, parfois tragique, de leur existence.
Sons empruntés et techniques
L’album est un composite de techniques relatives au field-recording, à des sons électroniques et à des samples empruntés. Il donne aussi une part plus importante à des éléments musicaux qui distinguent un peu cet album des travaux précédents.
A propos de la musique, j’ai utilisé des samples, la plupart transformés, de l’album « Musique de la Grèce antique » de l’ensemble Atrium Musicae de Madrid. Quelques moments de cet excellent disque m’ont permis, avec de plus de facilité, de rendre compte de l’univers spécifique de certains personnages.
Vous pouvez lire un article assez complet sur cet ensemble musical sur Wikipédia.
Et voir un montage vidéo réalisé à partir d’un des morceaux de l’album.
J’ai aussi emprunté une courte séquence du « Cantique des Cantiques » du Collegium Cantorum, quatrième mouvement « Le Roi Salomon ». Vous pouvez écouter (et acheter) l’album ici
Pour écouter l’album sur Malpertuis, cliquer ici.
Les pages de Malpertuis ont été réalisées à partir de collages photo. Les compositions ont été inspirées par le texte du livre et les pièces sonores en relation.
Oh mais voilà qui est intéressant! Faut que j’écoute ça en relisant le livre!
Tiens, est-ce que tu as déjà vu le film tiré de Malpertuis? (http://fr.wikipedia.org/wiki/Malpertuis_(film)
Ah bravo, je vois que Johnny Halliday n’y fait qu’une apparition alors que c’est le seul truc que j’ai retenu du film quand je l’ai vu à l’école: y’avait lui et Sylvie Vartan dedans :-)).
La musique est de Georges Delerue… me demande à quoi ça ressemble!
Salut Olivia,
Une recherche sur « Malpertuis » dans youtube permet de se faire une petite idée de ce film très… surréaliste… au rythme lent et aux effets dignes des meilleurs moments des films de la Hammer. Mais je ne l’ai jamais vu, cela dit. Imagine un peu : Orson Welles, Mathieu Carrière et Sylvie Vartan dans le même film ?!!?!!!?
Je n’ai pas trouvé de DVD en vente… parce que, j’avoue, ça me tente quand même.