Introduction
« San Francisco is 49 square miles surrounded by reality », Paul Kantner, Jefferson Airplane
Paul Kantner est un musicien de rock psychédélique, né à San Francisco en 1941. Jefferson Airplane était le nom du groupe dont il était cofondateur.
J’ai découvert cette plaque avec cette inscription dès le premier jour à arpenter San Francisco. Elle est fixée sur la rambarde d’un ponton, sur la promenade le long des Pier au Nord de la ville. J’ai gardé ces mots à l’esprit tout au long de mon séjour. Lors de l’écoute et de la sélection des enregistrements, je me suis dit combien cette phrase était pertinente. Je l’ai donc reprise comme référence pour ce travail.
Promenade dans San Francisco
Huit jours dans la ville avec ses sons, ses odeurs, ses ambiances, ses quartiers aux multiples visages. Tout cela donne une impression de richesse qui remplit chaque journée de petites et grandes découvertes.
Les ambiances sonores présentées ici sont presque totalement brutes, avec juste quelques manipulations pour diminuer le souffle, le bruit presque omniprésent du vent ou faire apparaître plus clairement une couche sonore. Comme je suis assez naturellement attiré par la mer et les ambiances marines en général, la sélection fait la part belle aux promenades côtières et aux ambiances de la baie de San Francisco, en passant par Alcatraz et le Golden Gate.
J’ai ordonné les séquences dans un ordre qui ne correspond pas à la chronologie des prises de sons. J’ai préféré organisé les moments sonores selon l’idée d’une promenade à travers la ville, de la côte vers les rues, puis vers la côte à nouveau avec, pour lier les endroits géographiques, des ambiances de transports en commun comme le bateau, le bus ou le cable car.
Les étapes de la promenade
Dans Boat arrival, from San Francisco to Alcatraz, nous sommes dans un bateau touristique qui traverse la baie de San Francisco vers l’île d’Alcatraz. On y entend les commentaires d’un surprenant capitaine Némo qui présente brièvement la ville et « The Rock », l’île et ancienne prison d’Alcatraz. J’ai imaginé ce passage sonore comme une arrivée vers l’île qui fut, bien avant d’être une prison, un lieu d’accueil pour les immigrants.
Alcatraz, recreation hall est une longue séquence prise dans la cour de la prison d’Alcatraz, lieu de promenade des prisonniers. L’espace immense est ceinturé par les bâtiments de la prison et un mur impressionnant. Dépasse de celui-ci la forme écrasante du château d’eau de la prison, structure métallique rouillée mais majestueuse. Il y a, dans cet endroit, quelque chose d’abandonné, presque d’apocalyptique. On y entend le vent, très puissant, les grincements des structures métalliques et le chant des sirènes des bateaux ancrés dans la baie. Ceux-ci semblent presque se parler à travers un chant monotone et répétitif. Détaché de son histoire carcérale, le lieu respire la paix et une incroyable étrangeté surréaliste.
Alcatraz, trapped est un moment plus léger. La séquence est prise à l’intérieur des couloirs où s’égrènent les centaines de cellules. A l’étage un gardien explique que le bruit de fermeture et d’ouverture des portes des cellules fut utilisé dans des moments cinématographiques célèbres.
In the bus nous fait quitter l’île d’Alcatraz et nous ramène dans la ville. Il s’agit d’un trolleybus qui se déplace via un système électrique comme un tramway mais aussi sur roues comme un bus traditionnel. Le son sifflant du moteur est caractéristique. La ligne empruntée parcoure des rues peu touristiques. Il y avait donc dans le bus une atmosphère intime de quartier.
Street festival est un moment particulier dans la vie nocturne de San Francisco. Le hasard a voulu que le samedi 4 octobre 2008 était le jour (et la nuit) de la célèbre LoveFest. Le bruit de la foule, les enceintes saturées des voitures des fêtards, les cris et les conversations, le bruit lointain d’un tramway créent un véritable patchwork sonore dont j’ai essayé de retirer un petit moment joyeux et prodigieusement urbain.
Loin de la folie de la foule, on retrouve le vent et le bruit rythmique des voitures sur le Golden Gate, pont prodigieux qui relie les villes de San Francisco et de Sausalito. Cette colossale masse de métal rouge traverse comme un jet la baie de San Francisco, semble se jeter dans l’océan Pacifique pour atterrir, en douceur, deux kilomètres plus loin. Le passage des roues des véhicules sur les séparations entre les plaques du sol crée ce bruit saccadé et hypnotisant.
Avec MOMA, outside/inside, nous revenons vers la ville, dans le parc à proximité du SFMOMA, magnifique musée d’art moderne. Le début de la séquence se passe dans le parc où, au loin, apportés par le vent, nous entendons les chants d’une chorale en plein air. Ensuite, nous entrons dans le musée où se répercute les voix des visiteurs et les bruits d’ambiance du grand hall.
Nous reprenons ensuite le moyen de transport sans aucun doute le plus touristique de la ville : le cable car. C’est en effet uniquement pour les touristes qu’ont été conservées deux lignes de ces sortes de tramways à l’ancienne, tractés par un système de câble sous la chaussée. Le chauffeur, dont la force doit être peu commune, relâche ou resserre à la main un grand levier pour propulser ou arrêter le véhicule tout en annonçant à grands cris le nom des arrêts. Les sons reprennent les formidables grincements et claquements du véhicule, la voix du chauffeur et le bruit du câble qui glisse dans l’ornière creusée dans la chaussée.
Ensuite, nous revenons vers la côte dans le lieu-dit Fisherman’s wharf. Ce quartier de la rive Nord de la ville est très attachant. Il y a les restaurants aux spécialités de crabe, le musée de la Marine et son accès aux ferries qui assurent, entre autres, la liaison avec Alcatraz. Nous entendons un groupe de jeunes enfants le long de la côte, le grincement d’un bateau à quai, les vagues sur une petite plage qui semble abandonnée. Un peu plus loin, nous parviennent les sons d’un cable car, d’une procession qui célèbre la Vierge et d’une fanfare qui donne à l’ensemble un moment joyeux de fête populaire.
Enfin, parce qu’il faut bien partir, nous terminons dans un autre coin typique de la côte, aménagé, il faut bien l’admettre, pour les touristes : le Pier 39. Ce Pier se distingue des autres par une construction originale en bois, un immense espace dédié aux magasins, aux spectacles et aux célèbres lions de mer qui, une fois l’an, lors de leur migration passent quelques temps sur des pontons spécialement aménagés pour eux. Ce sont tous ces sons d’ambiance que l’on retrouve dans ce dernier décor sonore, Pier 39, San Francisco blues, qui débute et se termine par un grincement hypnotique d’un ponton à proximité. Un chanteur des rues, bluesman, nous accompagne avec un dernier moment en musique . Joyeux et mélancolique.
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